L'Impératrice et l'Abbé
Author : Hélène
Carrère d'Encausse
Publisher :
Fayard
Publication
date : 2003
Catherine II,
montée sur le trône en 1762, est passionnément attachée à la culture française,
à l’esprit français, aux philosophes et savants français, ses amis. C’est la
pensée française qu’elle prétend importer en Russie. Pourtant, le livre de
l’abbé, surtout par le succès qu’il rencontre, provoque sa fureur. Et la
conduit à une démarche inédite pour un chef d’Etat qui ne se contente pas de
régner, mais gouverne activement un immense empire : elle répond elle-même. Sa
réponse, l’Antidote, publiée en 1770, ouvrage de près de 500 pages où elle
attaque et contredit l’abbé ligne à ligne, est une oeuvre étonnante. Polémique,
mais aussi exposé de sa propre conception de
La confrontation
des deux ouvrages, que l’ample préface complète et éclaire, contribue à la
connaissance contemporaine de
"Pour réfuter le
livre de Chappe, Catherine II fit publier un ouvrage très curieux dont bien peu
de personnes connaissent aujourd'hui l'existence, mais dont quelques éditions
peuvent encore se trouver. Ce livre, d'une critique acerbe, écrit en français,
porte au titre : Antidote ou examen du mauvais livre superbement imprimé,
intitulé : Voyage en Sibérie en 1761, par Chappe d'Auteroche, Paris
(Amsterdam), 1768, 2 vol. in-8. II fut reproduit de nouveau en 1771 et 1772. Le
titre, on le voit, suffit pour faire comprendre dans quel esprit de lutte
acrimonieuse il fut composé.
On y lit beaucoup de mauvaise foi, mais aussi quelques vérités. De fait, Chappe
n'était pas au-dessus de toute critique. Certes, il stigmatise avec raison la
manière dont la Russie est maintenue par le régime inique des tsars sous la
botte du servage, mais ne prive pas, lui de traiter à coups de poings ses
propres domestiques. Quant aux savant de Russie, à l'en croire ils sont
inexistants! Lui, l'esprit finalement bien médiocre, qui singe si bien l'esprit
des Lumières, plus qu'il ne s'y inscrit en vérité, ne voit dans les Russes que
des imitateurs sans génie. Il est sans doute exact que la politique de
modernisation de son pays par Pierre Ier avait consisté s'inspirer largement
des les technologies disponibles en Occident (L'empire de Pierre), mais avec
Chappe, intoxiqué par la lecture de Montesquieu, l'imitation devient une tare
congénitale dont seraient affligés les peuples des climats froids. Lomonossov
est cité une fois, par inadvertance, dirait-on! Et au détour d'une phrase, il
nous apprend que l'Académie de Saint Pétersbourg a envoyé à Tobolsk des
astronomes pour y observer le même événement que lui, mais une fois sur place
on le croirait seul au monde, confronté à une population de sauvages qui le
prennent pour un magicien... "
http://www.cosmovisions.com/VoyageChappe00.htm